La sous-représentation des femmes dans le monde économique et politique est un problème de société évoqué par tous. Malgré cette prise de conscience depuis les années 90 et quelques initiatives politiques (quotas), le problème persiste. Attendre que les décideurs – bien souvent des hommes – fassent bouger cette organisation sociétale semble être une attente vaine.
Dans le cadre de l’événement BIG organisé par la BPI regroupant les acteurs et les thématiques liées à l’innovation, l’atelier « Femme et entreprise : faire bouger les lignes » s’est tenu le 10 juin 2015 à la Cité de la Mode et du Design à Paris. Retours d’expérience, conseils, idées, stratégies d’entreprise étaient au menu des discussions animées par Hélène Boulet-Supau, dirigeante de Sarenza et Aude Lechrist, écrivain et journaliste. Etaient présentes :
- Perrine Bismuth (La Deuxième Maison),
- Anne Delleur (Arcancil),
- Laurent Depond (Orange),
- Sandra Le Grand (Kalidea),
- Claire Léost (Lagardère interactive),
- Laurence Peyrault Bertier (Roche France),
Un constat glaçant
Pourquoi – alors que la parité est naturelle dans les grandes écoles – se retrouve-t-on avec moins de 10 % de femmes dans le management des entreprises ? Pourquoi les majors de promotion des grandes écoles de commerces – souvent des femmes – ne parviennent pas aux mêmes postes que leurs homologues masculins ?
C’est le constat partagé par Hélène Boulet-Supau et Claire Léost. Cette dernière en fait le récit dans un ouvrage paru en 2013 « Le rêve brisé des working girls » (éd. Fayard). Quand certaines camarades de promotions peinent à se hisser à des postes de direction, d’autres stoppent net leur carrière pour s’occuper de leur foyer !
Ce n’est pas une fatalité. Des solutions peuvent être appliquées… par les principales intéressées. Car il ne faut pas – ou très peu – attendre d’une société où la compétition économique est déjà dure pour les principaux acteurs : majoritairement des hommes.
Autour de l’expérience des intervenantes, se dégagent des outils simples et souvent de bon sens qui s’appliquent à n’importe qui (même des hommes) pour réussir sa carrière ou son projet professionnel.
Savoir saisir les opportunités !
Ne pas rester en retrait et savoir prendre les opportunités est un état d’esprit typiquement masculin ? Faux. C’est un état d’esprit tout court.
Anne Delleur explique que les relations commerciales sont indépendantes des rapports hommes-femmes. Même avec une clientèle étrangère ayant un ancrage sociétal très traditionnel, le rapport est avant tout centré sur le business. Sa « position de femme » est anecdotique face au service ou du produit à vendre.
Lorsqu’une opportunité se présente, il faut la prendre. Tergiverser ou se faire désirer n’est pas une attitude positive dans le monde de l’entreprise. C’est à sa propre expérience que Laurence Peyraut Bertier fait écho. Dans son cas constituer son équipe a été une liberté et une marque de confiance qui ne pouvait être refusée. Un homme aurait-il refuser ? certainement pas.
Savoir-faire et faire savoir
Une carrière ne se construit que sur un travail méticuleux et des résultat probants… encore faut-il que ça se voit ! Un objectif atteint, un projet qui aboutit sont des non-événements puisque inscrits dans une normalité planifiée. On retiendra la catastrophe ou la réussite étoilée.
La mise en avant des compétences est un critère de réussite professionnelle. C’est vrai indistinctement pour les hommes et les femmes. La discrétion féminine – vestige daté d’une certaine éducation – ou la position d’éternelle première de la classe (brillante mais transparente) pénalisent lourdement face à des hommes jouant sur une posture physique (voie, position…) et conquérante plus appropriée au monde économique.
De l’aspect statutaire des relations en entreprise
Sandra Le Grand incite à sortir de cette position attentiste et rappelle qu’il est difficile d’être reconnue si les compétences individuelles ne sont pas clairement identifiées. Claire Léost abonde dans ce sens et engage à s’inspirer des pratiques masculines notamment en s’insérant dans des réseaux professionnels principalement composés d’hommes. Certaines postures peuvent être reproduites pour répondre à des codes liés à la réussite professionnelle sans nécessairement perdre son identité féminine.
Les signaux envoyés sont capitaux : jusqu’au véhicule de fonction. Avez vous déjà vu un directeur rouler dans une Twingo ? Si ça existe, c’est rare et le signal envoyé est analysé de manière négative. C’est pourtant pratique en ville… mais c’est incohérent avec la fonction.
Des stratégies d’entreprises…
Il ne faudra pas négliger les salaires d’embauche. Quand une femme se contentera d’avoir un emploi, un homme essayera de maximiser sa rémunération et ses avantages. C’est dès le départ que se creusent les inégalités salariales.
L’entreprise elle-même peut mener une politique volontaire facilitant la parité et les équilibres salariaux. C’est en mettent en place des grilles de salaires et des outils de sollicitation des collaboratrices que Laurent Depond parvient à équilibrer ses équipes chez Orange. Parallèlement chez Arcancil, le déséquilibre tourne à l’avantage des femmes (90%) certainement en lien avec le secteur d’activité.
… et des choix personnels
La majorité des intervenants du jour insiste sur le caractère tactique d’une carrière ou d’un projet. Avec une démarche active et quelques clés permettant de répondre aux codes du business, peu de différences ressortent entre la vie professionnelle d’une femme et celle d’un homme.
Néanmoins le foyer et le couple nourrissent les inégalités. C’est bien souvent avec l’arrivée du premier enfant qu’un choix de carrière doit être effectué… souvent au détriment de la femme. Claire Léost insiste sur la préparation de cet événement et le dialogue qui doit être mené en amont entre conjoints. Un équilibre peut être trouvé avec une répartition égale de la charge que représente l’arrivée d’un enfant.
Il ne faut pas hésiter à déléguer rappelle aussi Sandra Le Grand. Cumul de nounou, ménage, repassage et les autres taches du foyer ne doivent pas venir perturber l’épanouissement professionnel. Le but n’est pas d’effacer sa vie personnelle au détriment de l’éducation d’un enfant ou de sa relation de couple mais de chercher à se débarrasser des taches chronophages non profitables : cet arbitrage doit être pris comme un investissement. Le temps restant permet de passer les moments les plus importants avec ceux qui partagent votre vie : c’est une question de choix et d’organisation.